Le cadre légal en 5 points
1) Règlement intérieur
Les tests salivaires à lecture immédiate peuvent être prévus par le règlement intérieur (ou note de service équivalente). Ils ne constituent pas un acte de biologie médicale (CE, 5.12.2016, n° 394178).
2) Postes visés
Réservé aux postes à risque élevé pour la sécurité d’autrui (conduite d’engins, HT/BT, hauteur, procédés dangereux). Interdit de contrôler tout le personnel indistinctement.
3) Proportionnalité
Mesure nécessaire et proportionnée (L.1121-1, L.1321-3) au regard de l’obligation de sécurité (L.4121-1). Droit à contre-expertise médicale à la charge de l’employeur.
4) Données & confidentialité
Résultats = données sensibles (RGPD). Principe de minimisation, accès restreint, durée courte, information claire (CNIL).
Équilibre : sécurité (L.4121-1) ↔ proportionnalité (L.1121-1, L.1321-3) ↔ confidentialité (RGPD/CNIL).
Protéger sans sur-surveiller
« Le test salivaire immédiat ne relève pas d’un examen de biologie médicale. Il peut être pratiqué par un supérieur habilité, dans les conditions du règlement intérieur, avec droit à contre-expertise. » — CE, 5 décembre 2016, n° 394178
Obligation de sécurité
Prévenir les risques, incl. conduites addictives : prévention, accompagnement, signalements, mesures conservatoires immédiates en cas de risque grave.
Proportionnalité
Contrôle justifié par la tâche et ciblé sur les postes sensibles, avec procédure encadrée et garanties (information, contradictoire, contre-expertise).
Quels postes peuvent être testés ?
Identifiez des postes « hypersensibles drogue & alcool » via une analyse de risques formalisée :
Exemples de postes | Risque envers autrui | Indicateurs | Niveau |
---|---|---|---|
Conduite PL/engins | Accidents routiers / tiers | Trafic, masses, itinéraires | Très élevé |
Maintenance sous tension | Électrisation, incendie | HT/BT, consignations | Très élevé |
Travaux en hauteur/levage | Chute, écrasement | Chantiers multi-entreprises | Très élevé |
Process critiques | Explosion, pollution | ATEX, procédés dangereux | Élevé |
Fonctions bureaux | Faible | Pas de risque tiers immédiat | Non ciblé |
Le règlement intérieur doit lister précisément ces postes et réserver le test à ces personnels, selon des critères objectifs.
Procédure opérationnelle — pas-à-pas
- Règlement intérieur : postes listés, modalités, garanties (≥ 50 salariés : obligatoire).
- CSE & SPST : information/consultation + coordination prévention.
- Managers habilités : désignation + formation (notice, hygiène, confidentialité).
- Déclencheurs : aléatoire limité sur postes sensibles et/ou indices graves et concordants.
- Réalisation : lieu discret, kit scellé, lecture immédiate selon notice.
- Mesures conservatoires : écartement des situations dangereuses, retour sécurisé, consignation factuelle.
- Contre-expertise : à la charge de l’employeur, si le salarié la demande.
- Discipline graduée : après contradictoire et au vu de la contre-expertise.
- RGPD : minimiser, cloisonner, purger rapidement.
RGPD : traiter le strict nécessaire
Base légale & finalité
- Finalité : prévention des risques graves santé/sécurité.
- Base légale : obligation de sécurité (L.4121-1) + intérêt légitime mis en balance.
- Pas d’usage secondaire (ex. évaluation de performance).
Minimisation & confidentialité
- Conserver seulement la décision opérationnelle (ex. écartement), pas le détail du résultat.
- Accès limité (manager habilité, RH, juriste).
- Purge courte (ex. 30 jours hors dossier disciplinaire).
Refus, contestation & sanctions
Refus de test
Sur un poste hypersensible et avec procédure régulière, le refus injustifié peut constituer une faute disciplinaire (jusqu’au licenciement), selon les circonstances.
Contre-expertise
En cas de positif, le salarié peut contester via une contre-expertise médicale (aux frais de l’employeur). D’ici là, privilégier des mesures conservatoires.
Interdits : campagnes générales, « listes », diffusion des résultats, conservation inutile, sanction automatique sans contradictoire.
Choisir ses tests & organiser la traçabilité
Critères techniques
- Tests salivaires à lecture immédiate (non médicalisés) avec notice claire.
- Seuils indicatifs (arrêté 13/12/2016 – contrôle routier) : THC, amphétamines, cocaïne, opiacés.
- Péremption, stockage, numéros de lot, scellés d’intégrité.
Traçabilité & preuves
- Journal : date/heure, poste, lot, motif, identité du habilité.
- Compte-rendu factuel (sans détail médical) + information droits.
- Chaîne de garde si envoi d’échantillon (scellés, formulaires).
Modèles prêts à l’emploi (copier-coller)
1) Clause « Règlement intérieur » — Tests salivaires
Article X – Dépistage de stupéfiants par test salivaire (postes à risque) 1. Objet et fondement. Afin d’assurer la sécurité et la santé au travail (C. trav. L.4121-1), l’Entreprise peut recourir, dans les conditions ci-après, à des tests salivaires de détection immédiate de produits stupéfiants pour les salariés affectés à des postes dont l’occupation sous l’emprise de stupéfiants présente un danger particulièrement élevé pour l’intéressé ou pour des tiers. 2. Postes concernés. La mesure est strictement réservée aux postes listés en Annexe X (« Postes hypersensibles drogue & alcool »), définis au regard d’une analyse de risques formalisée. 3. Déclenchement. Les contrôles peuvent être réalisés : (i) de manière aléatoire limitée aux postes visés ci-dessus ; et/ou (ii) en présence d’indices graves et concordants laissant présumer un état d’emprise au travail. 4. Réalisation. Le test, qui ne constitue pas un acte de biologie médicale (CE, 5.12.2016, n° 394178), est effectué par un supérieur hiérarchique spécialement habilité et formé, dans un lieu préservant la dignité et la confidentialité. La notice du fabricant est strictement respectée. Le résultat est obtenu par lecture immédiate. 5. Garanties. Le salarié informé peut solliciter immédiatement une contre-expertise médicale, réalisée par un laboratoire/professionnel de santé, aux frais de l’Entreprise. Dans l’attente, l’Entreprise peut prendre les mesures conservatoires nécessaires (écartement des situations à risque). 6. Données personnelles. Seules les informations strictement nécessaires à la gestion de la situation sont consignées (date/heure, poste, mesure conservatoire). Les résultats détaillés ne sont pas conservés. L’accès est limité, la durée de conservation est courte (cf. Politique RGPD). 7. Sanctions. En cas de test positif confirmé ou de refus injustifié d’un salarié affecté à un poste visé au 2, des sanctions disciplinaires graduées peuvent être envisagées au regard des circonstances, conformément à l’échelle des sanctions. 8. Information. Les salariés sont informés par note dédiée (affichage / intranet) et via la notice RGPD figurant en Annexe Y (droits, point de contact DPO).
2) Notice d’information salariés (modèle)
Notice d’information – Traitement « Tests salivaires – Sécurité au travail » Responsable de traitement : [Entreprise] – [Adresse] – Représentant légal : [Nom] Contact DPO : [Email DPO] – [Téléphone] Finalité : prévenir les risques graves pour la santé et la sécurité des salariés et des tiers, pour les postes dont l’occupation sous l’emprise de stupéfiants présenterait un danger élevé. Base légale : obligation générale de sécurité (C. trav. L.4121-1) et intérêt légitime proportionné, au regard des exigences des postes listés. Personnes concernées : salariés occupant un poste listé en Annexe X (« Postes hypersensibles drogue & alcool »). Données traitées (minimisation) : identité, poste, date/heure du contrôle, existence d’un contrôle, décision opérationnelle (ex. écartement temporaire), demande de contre-expertise, références du lot. Les résultats détaillés du test (valeur, substance) ne sont pas conservés. Destinataires habilités : hiérarchie habilitée, service RH, service juridique ; SPST si nécessaire. Aucun transfert en dehors de l’UE hors base légale adéquate. Durées de conservation : journal d’incident < 30 jours ; en cas de procédure disciplinaire, conservation distincte selon les durées légales applicables (prescription, contentieux). Droits des personnes : accès, rectification, limitation, opposition pour motif légitime ; contact DPO : [Email DPO]. Réclamation auprès de la CNIL (www.cnil.fr). Mesures de sécurité : contrôle d’accès restreint, cloisonnement RH, traçabilité des accès, suppression automatique à échéance, stockage sécurisé des kits et des formulaires scellés si contre-expertise.
3) Matrice d’aide au ciblage (Annexe DUERP)
Poste | Danger potentiel | Fréquence | Contrôle autorisé ? |
---|---|---|---|
Cariste / chariot élévateur | Très grave | Quotidienne | Oui (hypersensible) |
Technicien HT/BT | Très grave | Hebdo / Quotidienne | Oui (hypersensible) |
Assistant administratif | Faible | Quotidienne | Non |
FAQ — questions fréquentes
Les tests salivaires sont-ils des actes médicaux ?
Non. Le test salivaire de détection immédiate n’est pas un examen de biologie médicale. Un supérieur habilité peut le réaliser dans les conditions prévues au règlement intérieur.
Puis-je lancer une campagne générale ?
Non. Ce serait disproportionné. Réservez les contrôles aux postes à risque élevé avec cadre strict (aléatoire limité et/ou indices objectifs).
Qui paie la contre-expertise ?
L’employeur. C’est une garantie essentielle de validité du dispositif.
Que conserver sans violer le RGPD ?
Le strict minimum opérationnel : existence du contrôle, décision d’écartement, mention d’une contre-expertise. Pas de détail du résultat ni de photos.
Peut-on sanctionner un refus ?
Oui si toutes les conditions sont réunies (poste, procédure, information, proportionnalité). Toujours une graduation et un contradictoire.
Checklist express de conformité
- Dispositif inscrit au règlement intérieur (+ postes listés).
- Consultation CSE et information SPST effectuées.
- Managers habilités désignés et formés.
- Note d’information RGPD + registre des traitements à jour.
- Traçabilité minimale + chaîne de garde en cas d’envoi.
- Mesures conservatoires prévues + échelle disciplinaire graduée.
- Politique de conservation/purge très courte appliquée.
Les 7 erreurs qui font tomber le dispositif
- Oublier l’inscription au règlement intérieur.
- Contrôler des postes non critiques ou faire du systématique.
- Absence de contre-expertise ou mise à la charge du salarié.
- Conserver des résultats détaillés / partager hors cercle restreint.
- Sanctionner sans contradictoire ni analyse du contexte.
- Utiliser des kits périmés / sans traçabilité.
- Managers non formés → vices de procédure.
Cas pratiques (comment réagir)
Conducteur PL — suspicion au quai
Indices concordants. Test proposé par manager habilité → positif. Mesures : écartement immédiat, retour via taxi, contre-expertise proposée, consignation, information RH. Sanction graduée si confirmation.
Assistant administratif — campagne « zéro drogue »
Disproportionné → refus licite. Recentrer sur postes hypersensibles, renforcer prévention pour le reste.
Références juridiques & ressources
- Conseil d’État, 5 décembre 2016, n° 394178 — texte intégral ; analyse.
- Code du travail : L.4121-1 (sécurité), L.1121-1 (proportionnalité), L.1321-1 & L.1321-3 (règlement intérieur).
- INRS – Addictions & réglementation : fiche ; QR-177 (09/2023).
- Arrêté du 13/12/2016 (seuils techniques – contrôles routiers) : texte.
- CNIL – Travail et données personnelles : page.
Document d’information pratique pour DRH/dirigeants – ne remplace pas un avis juridique spécifique à votre entreprise.